Chronique – Le poids des apparences

Il y a des jours où je sors avec mon visage tel qu’il est : nu, sans apprêt, avec mes cernes d’insomniaque et mes cheveux têtus qui refusent la discipline.
Ma vie est à mille à l’heure, je file au sport sans perdre de temps. Et parfois, une petite voix me dit : “Les autres vont croire que je ne prends pas soin de moi.”
Alors que bien sûr que je pense à moi — justement, le sport en fait partie.

L’apparence est un fardeau transmis comme une dette héréditaire.
Hier, c’était le corset qui étranglait les femmes pour leur donner une taille qui plaisait aux hommes.
Aujourd’hui, c’est le filtre qui lisse les visages pour se rassurer.
Même combat, même tyrannie : cacher ce qui dérange, polir ce qui dépasse.

Je repense à mes habitudes d’avant, quand je sortais toujours maquillée “par respect pour les autres”.
Aujourd’hui, je clique sur “retoucher” avant de poster une photo, par respect pour… qui au juste ?
Pour une audience invisible qui jugerait mes cernes comme une faute de goût ?

C’est ridicule, et pourtant je le fais. Comme si ma valeur tenait à une illusion pixelisée.
Un jour pourtant, j’ai accepté l’expérience du visage nu, sans rien, ni filtre ni maquillage.
Au début, je n’ai vu que mes défauts. Puis, peu à peu, j’ai vu autre chose : la sincérité dans mes yeux, la fatigue qui disait aussi la force, les marques qui racontaient mon histoire.

Et j’ai compris que l’apparence ne pesait lourd que tant qu’on la portait pour les autres.

Moralité : la beauté la plus légère, c’est celle qu’on cesse de vouloir prouver.